===== Journée internationale des femmes et des filles de science 2022 ===== La **Journée internationale des femmes et des filles de science**, célébrée chaque année le **11 février**, a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies afin de promouvoir l'accès et la participation pleine et équitable des femmes et des filles à la science. Cette journée permet de rappeler que les femmes et les filles jouent un **rôle essentiel dans la communauté scientifique et technologique** et que leur participation doit être renforcée. Pour plus d'information : https://fr.unesco.org/commemorations/womenandgirlinscienceday Pour souligner cet évémenement, l'IRIF a proposé à quelques-unes de ses doctorantes et post-doctorantes de répondre à quelques questions. Nous remercions Ada, Klara et Anna pour leur participation et publions ci-dessous leurs réponses. Interview complète d'[[portraits-ada-vienot|Ada VIENOT, doctorante]] \\ Interview complète de [[portraits-klara-nosan|Klara NOSAN, doctorante]] \\ Interview complète d'[[portraits-anna-vanden-wyngaerd|Anna VANDEN-WYNGAERD, post-doctorante]] {{:egalite-fh:jfs2022.png?300|}} ===Pouvez-vous vous présenter succinctement ?=== **Ada Vienot** : J’ai 23 ans et je suis doctorante en informatique théorique à l’IRIF, sous la direction d’[[https://www.irif.fr/~guatto/|Adrien Guatto]] et [[https://www-apr.lip6.fr/~tasson/|Christine Tasson]]. J’ai suivi un parcours scolaire assez long et particulier. Plus jeune, je ne savais pas exactement où je voulais aller mais j’étais certaine d’une chose, c’est que je ferai des études en science. J’ai donc fait un [[https://www.irif.fr/~adiro/teaching/CNRS-LRI/C-2-11-1.2008-2009.html|Master Parisien de Recherche en Informatique]] (MPRI) à Paris Diderot. En parallèle, j’ai été ingénieure électronique dans un escape game ! **Klara Nosan** : Je suis doctorante à l’IRIF depuis septembre 2021. Je travaille sur des aspects informatiques de problèmes mathématiques, notamment sur des problèmes liés aux suites de nombres définis par des équations polynomiales. Avant de me lancer dans la recherche, j’ai fait une licence en ingénierie informatique en Slovénie, mon pays d’origine. Je me suis rendue compte que ce qui m’intéressait le plus c’est le côté théorique. C’est pour cela que je suis venue en France pour faire un master de recherche en informatique théorique. J’y suis restée pour continuer à apprendre à faire de la recherche en tant que doctorante. **Anna Vanden Wyngaerd** : Je suis en 1ère année de post-doc à l’IRIF et je m’intéresse à la combinatoire. Je suis née en Belgique où j’ai fait mes études et ma thèse à l’[[https://www.ulb.be|Université Libre de Bruxelles (ULB)]]. Après ma soutenance de thèse en novembre 2021, j’ai eu envie d’intégrer un laboratoire où la combinatoire occupe une plus grande place, (cet axe de recherche est assez peu courant à Bruxelles). Sous les conseils avisés de [[https://www.irif.fr/~corteel|Sylvie Corteel]], directrice de recherche CNRS à l’IRIF et [[https://www.irif.fr/~josuat/|Matthieu Josuat-Vergès]] chargé de recherche CNRS dont les travaux sont proches de mon domaine, j’ai rejoint l’IRIF pour y effectuer mon post-doc. ===Qu’est-ce qui vous a amenées à faire des études scientifiques ?=== **Ada** : Depuis toute petite, l’informatique m’a toujours intéressée. Il y avait un ordinateur à la maison, c’est ma mère qui l’avait construit. J’ai donc appris à me servir d’un ordinateur avant même de savoir lire. C’est cela qui m’a donné envie de faire des maths, de la physique, de comprendre et d’utiliser l’ordinateur. Dès mes 8 ans, j’ai toujours su que je voulais aller vers quelque chose de scientifique. Je voulais être inventeure ! \\ Je fais de l’électronique depuis toujours et j’ai commencé à programmer quand j’avais 7 ans pour coder mes propres jeux vidéo. Mais j’ai réalisé que j’avais besoin de maths. Et j’aime bien la théorie derrière. J’adore réfléchir quand je sais que ça va servir à quelque chose. Je pense que la théorie et la pratique sont complémentaires. Ce qui me plait dans l’informatique théorique justement, c’est que c’est très théorique tout en étant pratique. **Klara** : J'ai toujours été curieuse et j'ai toujours aimé les sciences. J'ai eu la chance de pouvoir suivre de nombreux cours de sciences en plus de ceux donnés à l'école, d'assister à des ateliers et de participer à des concours scientifiques. Faire des études scientifiques me semblait donc être un choix évident. **Anna** : Plus jeune, j’étais intéressée par plein de choses comme la littérature ou encore la philosophie. Mais je me suis dit que contrairement à la littérature et la philosophie (entre autres), je n’allais jamais pouvoir apprendre les mathématiques et l’informatique par moi-même. J’ai donc fait le choix de poursuivre des études scientifiques tout en conservant un vif intérêt pour d’autres branches. Au départ, j’ai fait des études de maths. Mais en France, tout ce qui concerne la combinatoire est rangé sous le parapluie de l’informatique plutôt que des mathématiques. ===Pourquoi vous êtes-vous spécialisées en informatique théorique ?=== **Ada** : Au lycée, j’aimais la science, je voulais aller en école d’informatique, mais je me suis rendue compte que ce n’était pas mon mode d’apprentissage. J’ai alors fait une prépa pendant 3 ans, 3 années pendant lesquelles j’ai beaucoup souffert. Après ces 3 années, j’ai décidé de partir à la fac. J’ai obtenu juste après mon année de L3 informatique à Descartes. Puis, après une année sabbatique, je suis rentrée en M1 et j’ai choisi l’option recherche. L’informatique théorique est le juste milieu entre théorie et pratique avec un côté mathématique. **Klara** : J'ai toujours aimé les mathématiques, mais je pensais qu'étudier les mathématiques à l'université serait trop abstrait. Ce qui m'a plu dans l'informatique, c'est que cette science est beaucoup plus appliquée et concrète, tout en faisant appel à une logique et à un raisonnement similaires à ceux des mathématiques. Actuellement, mes travaux sur les aspects informatiques des problèmes mathématiques se situent entre les deux, un bon compromis entre mathématiques et informatique. **Anna** : Pendant longtemps, j’étais convaincue que je détestais l’informatique. En revanche, les études de maths et mon grand amour pour le raisonnement mathématique abstrait, la beauté que l’on retrouve dans certaines preuves mathématiques, ça j’étais convaincue que j’adorais ! À l’université, je n’ai choisi que peu de cours d’informatique car cela ne m’attirait pas à l’époque. C’est seulement pendant ma thèse que j’ai dû apprendre à coder et à m’intéresser davantage à l’informatique. Maintenant j’adore ça ! Avec le recul, je me rends compte que l’informatique me plaît parce qu’il y a un problème mathématique derrière et ça c’est chouette. ===Avez-vous été inspirées par des femmes scientifiques, et, si oui, lesquelles ?=== **Ada** : Ma mère, qui n’était pas du tout dans ce milieu mais qui, durant les années 90, a travaillé dans des boîtes d’installation de matériel destiné aux salles des marchés. Elle a tout appris de manière autodidacte et m’a beaucoup inspirée. Il y a également la [[https://www.irif.fr/~laplante/|professeure Sophie Laplante]], qui m’a beaucoup inspirée et soutenue. Je pourrais citer aussi Mme Ragot, ma prof de math en Terminale, qui avait une façon très particulière d’enseigner. Sa pédagogie était basée sur l’entraide dans toute la classe. Grâce à Mme Ragot, tous les élèves ont très bien réussi au bac. J’ai encore quelques contacts avec elle et je la tiens parfois informée de la suite de mon parcours. En ce qui concerne les femmes scientifiques, j’ai toujours eu du mal à aduler les figures scientifiques érigées comme des génies. Selon moi, la recherche est commune. C’est pourquoi les femmes qui m’ont le plus inspirées ne sont pas des célébrités de la science ! **Klara** : Pas vraiment, mais ma mère a fait ses études en informatique et l’une de mes grand-mères était professeure de mathématiques au lycée et l’autre technicienne en informatique. J’ai donc toujours été entourée par des femmes de professions scientifiques et techniques, ce qui m’a certainement aidé à être sûre de mon choix d'études. **Anna** : Inspirée par des femmes scientifiques, pas forcément. Mais par mes deux parents oui ! Surtout ma mère qui a toujours été extrêmement encourageante. Elle qui a fait des études de langues, voyait mon choix de carrière comme une mission pour m’aider à trouver des études qui m’allaient bien, même si ça signifiait de devoir participer à des millions de portes ouvertes ! Grâce à son soutien, j’ai choisi de faire des études de mathématiques à l’ULB et dans une autre langue que ma langue maternelle (le néerlandais). Ma mère me disait, « Tu essaies et si ça ne va pas, tu recommences, il n’y a pas de problème. » En arrivant à l’IRIF, j’ai été bien accueillie. Sylvie Corteel m’a présenté à d’autres femmes dans ce milieu. J’ai tout de suite été bien entourée. ===Selon vous, qu’est-ce qui pourrait être fait pour attirer plus de femmes dans la recherche en informatique ?=== **Ada** : Dans la culture ambiante, il y l’idée selon laquelle les mathématiques ne sont pas pour les filles. Pour pallier à ça, il faudrait plus de [[https://www.irif.fr/~laplante/|Sophie Laplante]] ! Cela aide beaucoup d’avoir des femmes autour de soi, dans son environnement ou à des positions marquantes, comme des directrices de master par exemple. Être la seule femme ne donne pas envie de rester. Je pense aussi qu’il faut arrêter de trier les élèves aussi tôt dans leur vie. A 16 ans, on est encore imbibé de stéréotypes. Demander aux jeunes de faire des choix de carrière à cet âge c’est très tôt. **Klara** : Le plus important c’est de faire savoir aux jeunes que l’informatique ce n’est pas que de la programmation, mais qu’il y a plein de différents domaines (de recherche) en informatique, des plus appliqués aux plus théoriques. Cependant, je suis sûre que le fait de connaître davantage de modèles de femmes chercheuses (et de chercheurs en général) est essentiel pour faire comprendre à quel point la recherche en informatique est passionnante, et qu'elle est accessible à tous. **Anna** : Il faudrait multiplier les initiatives pédagogiques comme [[https://www.mathenjeans.fr|MATh.en.JEANS]] qui est un chouette projet collaboratif et non compétitif. Ou les [[http://www.france-ioi.org/ioi/index.php|Olympiades d’informatique]] aussi qui ont selon moi leur place, même si l’esprit est plus compétitif. Aujourd’hui encore, les biais de genre en science restent très importants. En mathématiques, ma classe d’université était assez équilibrée. En informatique par contre, il y avait beaucoup plus d’hommes. Le premier cours que j’ai donné en amphi dans le cadre de ma thèse, c’était devant 200 hommes ! Si on considère la carrière académique, ce biais peut peut-être s’expliquer par une inégalité flagrante et simple : on encourage les post-docs à changer de pays. En Belgique, c’est même obligatoire. Or entre 28 et 35 ans (âge moyen d’un·e post-doc), on est dans une phase de notre vie très instable : changement d’emploi, changement de milieu. C’est aussi une tranche de vie où les femmes commencent à fonder une famille et se retrouvent avec davantage de responsabilités qui freinent voire empêchent la progression dans leur carrière. Le profil hommes célibataires va donc être privilégié en termes d’opportunités de recherche à l’étranger. Une remise en question de ce fonctionnement pourrait peut-être permettre d’attirer, ou en tout cas, de faire perdurer la présence des femmes dans la recherche en informatique.