Fabrication d'un micro-processeur

Tout commence par le sable, composé à 25 % de silicium, l'élément chimique le plus répandu dans la croute terrestre après l'oxygène. Le sable, et plus particulièrement le quartz, contient un fort taux de silice sous forme de dioxyde de silicium (SiO2) qui se trouve être l'ingrédient de base pour fabriquer des semi-conducteurs. Cette matière première a donc le mérite d'être naturellement abondante.

Après avoir séparé le silicium du sable brut, celui-ci est purifié à de nombreuses reprises pour arriver au standard de fabrication des semi-conducteurs, l'EGS (Electronic Grade Silicon). La pureté est telle que l'EGS peut ne contenir qu'un atome étranger par milliard d'atomes de silicium. A l'issue de ce traitement, le silicium est liquéfié à très haute température (plus de 1700 °C). On voit ici la création d'un cristal grâce au silicium liquide purifié : ce monocristal est qualifié de lingot.

Ce lingot obtenu à partir de l'EGS est un monstre &ellips; de finesse : environ 100 Kilos, pureté du silicium de l'ordre de 99,9999 %.

La phase suivante consiste à débiter le lingot en disques fins, que nous connaissons mieux sous le nom de wafers. Certains lingots dépassent 1,50 mètre et leur diamètre varie en fonction des wafers désirés : la plupart des processeurs actuels sont issus de wafers de 300 mm.

Une fois coupés, les wafers sont polis jusqu'à l'obtention d'une finition miroir sans la moindre aspérité. Intel ne produit pas lui-même ses lingots et wafers, préférant se fournir auprès de partenaires en wafers prêts à être traités. Le procédé de fabrication High-K/Metal Gate utilise des wafers de 300 mm, tandis qu'à l'époque des premiers processeurs du géant de Santa Clara, ce dernier travaillait sur des wafers de 50 mm. La progression dans la taille des wafers permet ainsi de diminuer le coût unitaire des processeurs.

Le liquide bleu ci-dessus est un traitement photorésistant similaire à ceux utilisés pour les pellicules en photographie argentique. Un mouvement circulaire est imprimé aux wafers lors de cette étape afin d'optimiser la répartition du revêtement, doux et extrêmement fin.

Le traitement photorésistant est ensuite exposé à la lumière ultraviolette (UV). Pour reprendre la comparaison avec l'argentique, la réaction chimique provoquée par les UV est semblable au changement d'état d'une pellicule lorsque l'on déclenche un appareil photo.

Les zones du wafer recouvertes du traitement photorésistant deviennent solubles après avoir été exposées aux UV. Cette exposition se fait à l'aide de masques qui agissent comme des stencils. La combinaison de ces masques et des UV permet de créer les divers motifs de circuits ; la création d'un processeur implique une répétition de ce procédé de manière à ce que de multiples couches se superposent.

La lentille que l'on voit au centre des trois éléments réduit l'image du masque à un point focalisé. Ainsi, l'"impression" qui en résulte sur le wafer est une réduction linéaire par quatre du motif du maque.

Voici ce à quoi ressemblerait un transistor si l'on pouvait le voir à l' il nu. A titre d'exemple, le core Wolfdale en compte 410 millions sur une superficie de 107mm², soit environ 3,8 millions par millimètre carré !

Un transistor agit comme un interrupteur, contrôlant le flux électrique au sein d'une puce. D'après les chercheurs d'Intel, la miniaturisation des transistors est telle que 30 millions d'entre eux pourraient être répartis sur une simple tête d'épingle.

Les zones bleues, préalablement exposées aux UV, sont nettoyées par un solvant qui révèle le motif photorésistant. C'est après cette étape que les transistors, interconnexions et autre contacts électriques commencent à être implémentés.

Ici, plusieurs agents chimiques gravent le wafer en profondeur autour des zones qui n'ont pas été traitées pour être photorésistantes.

Après la gravure en profondeur, le revêtement photorésistant est retiré. Ainsi, les formes prévues deviennent visibles.

Un traitement photorésistant (en bleu) supplémentaire est appliqué puis à nouveau exposé aux UV et lavé avant l'étape suivante, le dopage par faisceau d'ions : les particules ioniques sont exposées au wafer, permettant ainsi de changer les propriétés chimiques du silicium de manière à ce que le processeur puisse gérer le flux électrique.

Le procédé d'implantation ionique (qualifié de dopage dans ce cas) consiste à bombarder d'ions les zones exposées du wafer en silicium. Leur implantation modifie la conductivité électrique du silicium, qui se rapproche ainsi de celle des métaux. Pour arriver à ce résultat, les ions sont propulsés à la surface du wafer à très haute vitesse grâce à un champ électrique qui leur permet de dépasser les 300 000 Km/h.

Après l'implantation ionique, le second revêtement photorésistant est retiré lui aussi. Les zones qui ont été dopées (en vert) regorgent alors d'atomes étrangers.

Le transistor représenté ici est presque terminé : trois trous ont été creusés dans la couche d'isolation (en rose) qui le recouvre, lesquels seront comblés avec du cuivre qui permettra d'établir les connexions entre les transistors.

A ce stade, les wafers sont plongés dans une solution à base de sulfate de cuivre. Les ions cuivre sont alors répartis sur le transistor par un processus de dépôt électrolytique. Ceux-ci vont du pôle positif (anode) au pôle négatif (cathode), matérialisé par le wafer.

Les ions cuivre se décantent sous la forme d'une fine couche à la surface du wafer.

La matière en excès est polie de façon à ne laisser qu'une très fine couche de cuivre.

De nombreuses couches métalliques sont crées pour assurer l'interconnexion des transistors. Le "câblage" de ces connexions varie suivant l'architecture et la conception déterminées pour un type de processeur. Ainsi, l'apparence très plate des processeurs est trompeuse : le circuit complexe peut être composé de plus de vingt couches superposées. Si l'on regarde un processeur de plus près, le réseau de circuits et transistors imbriqués peut faire penser à un échangeur d'autoroute multi-étages futuriste...

Cette portion d'un wafer passe à l'épreuve d'un premier test de fonctionnement : chaque puce reçoit plusieurs types de signaux-test qui sont alors suivis et comparés aux "bonnes réponses".

Une fois que le rendement (le fameux yield) de processeurs aptes à fonctionner a été déterminé, le wafer est découpé en morceaux que nous connaissons bien sous le nom "dies".

Les dies qui passent les tests avec succès passent à l'étape de l'encapsulation (packaging), tandis que ceux qui ont échoué sont jetés. Il y a quelques années, Intel en faisait des porte-clés. On se souvient que ce concept a été repris il y a quelques mois par NVIDIA.

Voici donc le résultat du découpage, le die d'un processeur (ici un Core i7).

Le substrat, le die et le heatspreader sont assemblés pour aboutir au processeur dans sa forme finale. Relié au socket de la carte mère, le substrat vert joue un rôle d'interface électrique et mécanique entre le processeur et le reste des composants. La capsule (heatspreader) est quant à elle l'interface thermique sur laquelle la solution de refroidissement est appliquée. Certains d'entre nous n'hésitent pas à la polir au papier de verre pendant des heures pour optimiser la surface d'échange, voir à la retirer, ce qui reste très dangeureux et plus vraiment intéressant désormais.

Les microprocesseurs sont les produits manufacturés les plus complexes au monde. Il est important de noter que leur fabrication se fait au travers d'une centaine d'étapes, seules les plus importantes ont donc été représentées depuis le début de ce reportage photo.

S'il y a bien une étape à laquelle on voudrait assister pour faire son choix, c'est ici : les processeurs sont testés par rapport à leurs caractéristiques principales, parmi lesquelles dissipation et fréquence maximale.

Suivant les résultats des tests par classe de CPU, les processeurs ayant les mêmes capacités sont disposés sur une palette de transport commune. Cette étape est qualifiée de "binning" : on détermine alors la fréquence maximale, ce qui permet de les trier par lot (batch) pour finalement les vendre en fonction des spécifications stables validées.

Au final, les processeurs sont envoyés nus aux assembleurs ou bien en version boîte pour la vente directe au consommateur.

Nous remercions Intel de nous avoir fourni les illustrations de ce reportage photo, ainsi que le texte en anglais, lequel a été adapté. Ces illustrations en grand format ainsi que le texte original sont disponibles sur le site du fabricant. Si l'anglais ne vous rebute pas, Global Foundries a de son côté réalisé un très bon documentaire sur le même thème.