L'ASSASSINAT DU PÈRE NOËL


Dans la cité des Étoiles, l'Assassin du Père Noël se les caillait dur. À l'angle du boulevard Saturne et de l'impasse de la Lune, le gel soudait les doigts de sa main droite au métal de la barre de fer qu'il serrait depuis une heure. Peu lui chaulait: cette année, il aurait son Noël. Depuis qu'il était môme, même l'orange, il ne l'avait jamais eue. Alors, cette année...


Bien au chaud dans son épaisse houpelande, bien au sec dans ses bottes de cuir, le bourgeois bedonnant avançait vers son destin. "Viens mon Pelot, approche mon Foie-gras" murmurait l'Assassin du Père Noël à l'ombre emmitouflée.


Quand la buée du souffle du bourgeois dégela son regard, l'Assassin du Père Noël ne fit ni une ni deux: un coup droit dans la face! Les bottes du cossu ripèrent et sa masse gisait de tout son long dans la gadoue. La grande barbe blanche du bonhomme fut maculée du même rouge que celui de l'épaisse houpelande.
"Merde! Et merde et merde..." jura longtemps l'Assassin du Père Noël tandis que parmi les joujous répandus sur la chaussée la poupée battait l'air de ses jambes en plastique en répétant "Maman, maman...".


Alors le souvenir furieux de l'enfant qu'il était se mit à l'injurier: "Putain de toi", sanglotait-il, "maintenant Il ne viendra plus jamais." Désemparé par ce chagrin de lui-même, l'Assassin du Père Noël ramassa un à un les wagons dispersés du train électrique. De ses doigts mal assurés, il consola la poupée en appuyant sur la touche Off. Même la panoplie de policier, il la remit dans la grande hotte à moitié déglinguée.


L'Étoile du Berger scintillait au dessus du bâtiment B7 et des guirlandes clignotaient aux fenêtres quand l'Assassin du Père Noël a pris sa décision: il dépouilla, sans faire ni une ni deux, le cadavre du Vieux; il enfila dessus son cuir la houpelande rouge et troqua ses Santiag' contre les grosses bottes; il se chargea de la pesante hotte et se mit en chemin.


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