La Terre de Noël
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 S'il élevait son regard vers le zénith, le Père Noël voyait le rapide
mouvement brownien des flocons acérés griffer le gris plombé de la
voûte du ciel. Puis lorsqu'il ramenait son regard vers l'horizon, le
Père Noël voyait la lente chute de douces mouchetures immaculées
emplir l'air tout entier. Il resta un long temps à relever puis
rabaisser les yeux pour tenter de saisir le moment où, du ciel à la
terre, la neige apaisait l'agitation de sa précipitation pour venir
déposer sa froide douceur sur les branches, les clôtures et les
collines.

 La lune se leva et, de blanc duveteux, le paysage se fit d'argent
glacé. Le Père Noël secoua la torpeur de la neige qui s'était
amoncelée sur sa houpelande et tapa le sol de ses bottes pour les
remettre en branle. Les rennes devaient être déjà attelés et on devait
l'attendre. 

 Comme il tournait le dos à l'horizon, la lueur d'albâtre de la lune
éclaira la massive silouhette du grand ours blanc qui avait dû quitter
le lieu de sa naissance pour venir trouver refuge dans les sombres
forêts d'épineux du pays du Père Noël. L'ours leva son museau à la
senteur glacée des collines qui éveillait en lui le souvenir lumineux
des jours sur la banquise. Il attendit que s'estompât l'ombre rouge du
large manteau de son hôte et se remit en chasse.

 Le Père Noël avançait en songeant qu'il n'avait pu ramener nul cadeau
de Copenhague.