Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis professeure des universités à l’université de Paris Cité où j’effectue mes recherches à l’IRIF. Mon domaine de recherche est l’algorithmique distribuée, plus particulièrement les algorithmes distribués tolérants aux pannes, dont spécifiquement les algorithmes auto-stabilisants.

Qu'est-ce qui vous a poussé à entreprendre des études scientifiques ?

A l'école, j'ai toujours eu plus de facilités avec les mathématiques qu’avec les autres disciplines. Au collège, j’ai découvert l’informatique pour laquelle j’ai alors développé une vraie passion. C’est donc assez naturellement que je me suis tournée vers des études scientifiques au lycée, puis dans mes études supérieures.

Qu'est-ce qui vous a amené à vous engager dans la recherche en informatique théorique ?

Mon premier contact avec l’informatique a été lié à la programmation. Néanmoins, la résolution de nombreux problèmes impose de s’intéresser à la conception d'algorithmes efficaces pour obtenir des programmes performants. Je me suis donc tournée petit à petit vers l’algorithmique, et, de là, vers l'algorithmique distribuée, et l’auto-stabilisation. J'y ai découvert un monde de défis intellectuellement passionnants : penser “distribué” n’est parfois pas intuitif, et, surtout, les algorithmes distribués sont particulièrement difficiles à analyser en présence de processus asynchrones sujets à des pannes.

Avez-vous été inspirée par des femmes scientifiques ? Si oui, lesquelles ?

Pour être honnête, pas vraiment. En fait, j’ai été élevé dans un famille très encourageante, où il me semble que les enfants ont été élevés sans a priori genrés. J’ai ainsi souvent fait du bricolage avec mon père, ce qui a dû m'inciter à apprécier comprendre comment les choses fonctionnent, conceptuellement comme pratiquement. Pour moi, la science était donc offerte à tout le monde. Je crois n'avoir vraiment réalisé le côté genré des choses que lorsque je suis rentrée en seconde scientifique et technique, dans une classe où je me suis trouvée être la seule fille en compagnie de 27 garçons.

Selon vous, que pourrait-on faire pour attirer plus de femmes vers la recherche en informatique ?

Il faudrait certainement parvenir à briser la représentation genrée de la matière. La vision typique de l'informatique est encore bien souvent le “geek” seul devant son ordinateur. Pour moi, si l’informatique inclut la programmation, qui peut effectivement se faire seul, indépendamment de son genre, il n'en demeure pas moins que l'informatique c’est aussi la collaboration et l’ouverture d'esprit, pour comprendre et partager de nouvelles connaissances, qu'elles soient technologiques ou fondamentales. La recherche en informatique n’est en particulier pas pour moi un domaine solitaire, mais un domaine de collaborations. Je ne crois donc pas que la discipline ait un problème en soit. En revanche, elle est sans doute victime de la reproduction sociale typique du système scolaire français, et d'une approche des sciences au lycée, dont les mathématiques, abordées comme une compétition. Il me semble qu'il y a un décrochage net des filles en mathématiques à ce moment-là de leur scolarité, et la vision française élitiste des mathématiques et des sciences comme un outil de sélection joue probablement un rôle négatif, alors que les sciences devraient être abordées comme une ouverture sur le monde, et un lieu de collaborations et de coopérations.