En plus de sa grande jovialité, Alexandre est le réel couteau suisse dont tout laboratoire peut rêver : autodidacte, il est capable de monter en compétences rapidement, il s'adapte aux demandes et est ouvert à tout nouveau projet. Passionné d'informatique, rien ne l'arrête. Mais, Alexandre est également un intellectuel, amoureux des lettres ainsi que du sport.
Rencontre avec Alexandre Roulois, nouvel informaticien du laboratoire, chargé web et assistance utilisateur.

“Aujourd'hui, je ne sais pas encore tout à fait ce que signifie être informaticien à l’Irif ; ça peut être très varié, comme mettre en place des ordinateurs, faire du support, se pencher sur des problèmes matériels, mais également ce que je faisais avant, des logiciels et des programmes informatiques. Mes missions vont évoluer et se créer en fonction des besoins du laboratoire.”

Ce métier regroupe tellement de réalités différentes qu’il est difficile de le synthétiser. Mon entourage voit le métier d’informaticien comme quelqu’un qui joue avec son ordinateur du matin au soir, ce qui, évidemment, n’est pas le cas. Pour certaines personnes, être informaticien, c'est réparer des ordinateurs, alors qu'encore une fois, ce n'est pas du tout notre cœur de métier.

Je suis progressivement devenu informaticien. J’ai d’abord commencé par faire du web, du développement, de l'application web, ce qui pour les informaticiens n'est pas de l'informatique. Ce sont plutôt des méthodes pour diffuser de l’information sur Internet, en utilisant des outils, qui ont été faits par des informaticiens.
Dans mon affiliation précédente, j'étais vraiment informaticien puisque je faisais des logiciels et des programmes informatiques, qui permettaient aux chercheurs de récupérer des données, avec notamment beaucoup d'intégration de corpus, de la recherche dans de vastes ensembles de données (pour y récupérer rapidement une information) et également faire des statistiques sur ces données, ce qui implique des maths et de la modélisation.
Enfin, j'ai un peu touché à de l'intelligence artificielle, pour faire de la prédiction (par exemple, une fois un phénomène observé, comment retirer une prédiction, ce qui est aussi de l'extraction de données). Par contre, je n'ai pas encore touché aux réseaux de neurones.

Aujourd'hui, je ne sais pas encore tout à fait ce que signifie être informaticien à l’Irif ; ça peut être très varié, comme mettre en place des ordinateurs, faire du support, se pencher sur des problèmes matériels, mais également ce que je faisais avant, des logiciels et des programmes informatiques. Mes missions vont évoluer et se créer en fonction des besoins du laboratoire.

Ils peuvent compter sur moi pour du soutien et du support informatique, pour les décharger de tout un tas de problèmes logistiques.
Je peux également faire des sites web pour les colloques et les conférences.
De plus, un de mes atouts est que je connais bien l’environnement de l’université, car j'ai des liens avec la Direction des systèmes informatiques (DSI) de l’Université, ce qui favorise les interactions avec les services centraux de l'Université. Je connais également assez bien le système des applications et des logiciels offerts par la DSI.
Mes compétences évoluent continuellement : par exemple, je suis en train de me former à la réalisation de vidéos dans le cadre de séminaires, puisque ce sont les besoins du laboratoire. Je m'adapte et évolue en fonction des besoins.

À l'origine, je suis un littéraire, je n'ai donc jamais étudié l'informatique. J'ai eu mon bac en 1997, et à cette époque, l'Internet était très récent. Rapidement, j’ai voulu réaliser un projet personnel, qui était de faire un site d’édition en ligne. Je me suis lancé, sans rien connaître à l'informatique, et j'ai commencé à coder avec de l'HTML statique. Je me suis très vite rendu compte que c'était plus difficile que ce que j'imaginais. J'ai dû me mettre au langage PHP, ce qui était bien au-delà de mes compétences. À l'époque, je ne connaissais pas la logique, je ne savais pas ce que c'était que de créer une boucle ou une condition puis je n'avais jamais eu de cours en logique ou en informatique.

Après ma maîtrise de Lettres Modernes, en 2000, je suis arrivé à Paris où j'ai commencé à travailler en tant qu'assistant de rédaction pour le site LeGuide.com, mais je me suis vite ennuyé. En parallèle, je continuais à me former seul, difficilement et je consacrais mes soirées à comprendre tant bien que mal le fonctionnement d'une base de données.
J’ai donc décidé de reprendre des études, qui intégraient cette fois une petite part d’informatique. J'ai intégré un DUT Information et documentation d’entreprise à l'IUT de Tours, suite auquel j’ai fait un stage au CNRS avec Stéphane Pouillot, à la Cité des Sciences de Paris. C'est lui qui m’a montré les bases, et qui, tout en m'accompagnant m'a également laissé beaucoup de liberté pour que je puisse apprendre par moi-même. Ce stage a été extrêmement profitable pour moi, j'étais encadré par des informaticiens qui m'encourageaient à expérimenter et à tester de nouvelles technologies. C'est dans ce cadre que j’ai enfin appris à faire une boucle, une condition, à extraire des données dans une base, etc. Ça m'a vraiment permis de me lancer et de pouvoir poursuivre seul, en autodidacte.
J'ai ensuite trouvé une formation en humanité numérique, au Centre d’études supérieures de la Renaissance à Tours où j'ai fait un M2 en 2006 en Patrimoine et Publication électronique : nous avons notamment vu comment concilier l'étude des incunables avec la mise en ligne et par exemple comment scanner un document historique et faire de la reconnaissance de caractères. Les technologies étaient encore en développement, l'école était en partenariat avec l'INRIA et l'école des Chartes ; cette collaboration a permis d'inventer des technologies pour publier des ouvrages en ligne. J'ai de nouveau trouvé un stage au CNRS et j’avais à ce moment-là de bien meilleures connaissances en informatique.

Suite à cela, j'ai passé un concours que j'ai directement obtenu ; j'ai intégré l’Institut d'histoire et de philosophie des sciences et techniques (IHPST) où je faisais principalement du web. En parallèle, je continuais de développer mes compétences en informatique. J'y suis resté quelques années, puis, je suis arrivée au Laboratoire de linguistique formelle (LLF), en mobilité interne. L'informaticien en place, Clément Plancq, m'a formé à de l'administration système (ce qu'est un environnement Linux, ce que sont des serveurs, la technologie entre les serveurs, les postes clients, etc.). Dans ce nouvel environnement, j'ai pu découvrir un nouveau langage, Python, et enfin comprendre ce qu'est la programmation d'un logiciel pure.

J’apprends continuellement, je fais également des statistiques pour de la modélisation. Il y a 20 ans, je ne me serais jamais projeté là où je suis actuellement, avec les compétences que j'ai.

Durant mon parcours, j'ai rencontré beaucoup de difficultés face à mes lacunes ; mais, en intégrant le CNRS, j'ai vraiment ressenti cette mission, je dirai même ce devoir, d'accompagner le personnel à développer ses compétences, ce que je n'avais pas ressenti dans le privé.

Quand j’avais 15 ans, j’avais senti que l’informatique allait gagner en puissance dans la société, même si je pensais que ce serait plutôt dans les loisirs. À l'époque, je pensais que rentrer dans l'informatique me ferait accéder à des choses “funs”. Je n'avais pas du tout conscience que c'était une part infime des possibilités que propose l'informatique. Je ne réalisais pas ce que l'informatique apporte à la recherche, ce qui m'est apparu clairement lorsque j'ai intégré le CNRS dans mon laboratoire de linguistique.

J'ai commencé à enseigner au Centre d’étude Supérieur de la Renaissance, où j'ai fait mon M2. Lorsque je suis arrivé dans cette formation, j’étais le seul étudiant à avoir des compétences en web et je m'entendais bien avec l'équipe enseignante. Comme je reprenais mes études, j'étais également plus âgé que les autres élèves et j’étais toujours inséré professionnellement (j'avais une décharge d'horaires). Le professeur qui nous donnait les cours de web a arrêté, et l'équipe administrative de l'école m'a donc demandé de le remplacer. C'était 1 ou 2 ans après que j'ai rejoint le CNRS. Je ne me sentais pas complètement légitime, en sachant que je n'avais jamais enseigné, mais j'ai tout de même décidé de tenter l'aventure. Ça s’est tout de suite très bien passé, je dirai même que ça a été une révélation, et depuis, je n’ai jamais arrêté.

Ensuite, quand je suis arrivé dans mon laboratoire de linguistique, on m’a assez rapidement demandé de donner des cours en informatique et plus particulièrement du python pour les linguistes. Aujourd'hui, la plupart des cours que je propose sont à l’INALCO, en traitement automatique du langage, pour des élèves de master. Chaque année, j'ai besoin de me réinventer, pour suivre l'évolution très rapide des technologies. Je m’épanouis énormément à travers cette activité. Et surtout, les étudiants m'apportent beaucoup, car je dois m'adapter à leurs connaissances actuelles, à leurs profils très variés : pour intégrer l'INALCO, il faut parler au minimum le français et l'anglais ainsi qu'une langue orientale, ce qui est très intéressant d'un point de vue du traitement linguistique par ordinateur. C'est très stimulant, je passe chaque été à revoir les programmes, à me tenir à jour et j’adore ça. Ça fait maintenait 5 ans que j’y suis.
Je donnais également quelques cours d'informatique à l'université, mais je suis en train de les arrêter.

Concernant l'écriture, j'ai un peu arrêté. J'ai pas mal écrit jusqu’à mes 30 ans.
Ça a été pour moi l'occasion de dire ce que je pensais et par la suite, de relire ce que je pensais à l'époque. J'ai pu de cette manière garder l'historique de mon évolution.
Ça rompt avec l'image stéréotypée de l'informaticien geek, mais j'en connais beaucoup qui sont très créatifs, qui font de la musique, des arts plastiques, du dessin, etc. Et au contraire, cette créativité permet de réfléchir sur les algorithmes et à l’inverse, ça se traduit sans doute d'une certaine manière dans la création artistique.

Je fais également beaucoup de sport, j'en pratique tous les jours et de très divers : j'ai commencé assez jeune avec la course à pied (ça fait bientôt 30 ans), que je continue toujours. Je fais du vélo, de la natation et par conséquent du triathlon. Je fais du karaté depuis maintenant plus de 20 ans. Je suis d'ailleurs professeur de karaté à l'université. Je pratique aussi beaucoup de sports de combat, comme du jiu-jitsu, du judo, et j'ai fait du MMA. J'ai également fait pendant très longtemps du volley-ball, mais j'ai malheureusement dû arrêter. C'est vraiment le sport le plus traumatisant pour les articulations.

C'est en fait une curiosité intellectuelle, car jeune, j'avais lu que les tortues étaient capables de vivre très longtemps, souvent plus longtemps que l'Homme. Et en réalité, les scientifiques ne connaîtraient pas réellement leur réelle espérance de vie. J'avais été impressionné de me dire que la vie avait un horizon plus large que les 85,3 ans pour les femmes et de 79,4 ans pour les hommes 1). Finalement la vie peut-être infinie : si on regarde les arbres, par exemple, en dehors des incendies, des champignons et autres, un arbre peut vivre éternellement.
Une histoire m'avait beaucoup émue, celle de Georges la tortue qui avait plus de 100 ans. À partir du moment où sa compagne est morte, il s'est laissé dépérir. J'avais trouvé ça si beau de se dire qu'effectivement, la vie a besoin de compagnie pour persister et trouver de la joie.

Un des livres qui m’a le plus marqué, c’est Salammbô de Flaubert, je l'ai lu en une journée. Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est l'histoire d’amour entre Mâtho et Salammbô, qui ont deux conceptions de l'amour très différentes. Elle, est du côté de la religion, avec un amour qui a un conditionnel, celui d'une prêtresse qui est vouée à dédier son amour aux fidèles, et lui Mâtho, qui est un sauvage, et qui voit l'amour d'un point de vue charnel, un amour conquête. J'ai également aimé la description de l'orientalisme ainsi que l'écriture de Flaubert, qui est enchanteresse, avec les décors et les descriptions de paysages. Il y a également un peu de voyeurisme (ce que je ne supporte plus aujourd'hui) dans les coutumes barbares, qui y sont très détaillées ; il avait l'envie de choquer la bourgeoisie. Et enfin, les scènes de combat, qui à 18 ans m’intéressaient énormément.

Il y a également Le Cid de Corneille que je relis au moins une fois par an. C'est vraiment très drôle. Le rôle des femmes est limité à parler des hommes et à vouloir plaire. Il y a notamment une scène qui ne sert pas à grand-chose, qui n'est là que pour valoriser les hommes, qui eux se battent, ont des “sentiments nobles”, ils ne pensent pas à l'amour, ils pensent à des choses bien plus « grandes ». Ça me fait beaucoup rire vis à vis du regard que porte la société aujourd'hui sur les rapports hommes-femmes. Et comme c'est un livre que je relis chaque année, je réalise combien mon regard a également changé. Ce genre de scènes qui ne me choquaient pas avant, me dérangent aujourd'hui. On se rend compte qu'on est inscrit dans une société à un temps donné. On n'est plus forcément celui qu'on était avant et ce n'est pas forcément lié à notre âge, mais aussi à l'environnement dans lequel on évolue.

Aujourd’hui, je me suis débarrassé de tous mes livres, ça a été une décision difficile. Je ne me sers plus que de boîtes à livres. J’ai pris cette décision par ce que je me suis questionné sur le rapport que j’entretenais avec la propriété et mon rapport à l'attachement avec des objets matériels.