Rencontre avec Cléophée Robin, nouvelle maîtresse de conférence à l'IRIF Dynamique, curieuse et enjouée, Cléophée est une chercheuse passionnée, qui navigue entre informatique et musique. Férue de graphes, elle est également éprise de recherche opérationnelle. Enfin, Cléophée s'intéresse à la médiation scientifique et plus particulièrement au jeu de “La chasse à la bête”, qu'elle sera heureuse de vous présenter. Rencontre avec Cléophée Robin, nouvelle maîtresse de conférence à l'IRIF. “Ce qui m'intéresse, c'est de mettre des contraintes sur mes graphes et de chercher à quoi est-ce qu'ils vont ressembler. En d'autres termes, je me demande si je peux avoir une “recette de cuisine” qui construit tous les graphes de ma famille.” Cléophée Robin, maîtresse de conférence | Pôle Algorithmes et structures discrètes - Équipe Théorie et algorithmique des graphes. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? Ayant appris l'italien dès la primaire, j'ai intégré la cité scolaire internationale de Lyon, en section italophone. Nombre de mes cours étaient dispensés en italien, comme l'histoire-géographie, ainsi que la culture et la littérature italienne. Ce cursus était donc plutôt littéraire, et difficile pour moi, entre autres dues à ma dysorthographie. C'est comme ça que je me suis progressivement tournée vers les mathématiques. J'ai intégré l'université Lyon 1, en mathématiques appliquées et économie, ce qui s'est révélé être une très bonne décision, car j’ai adoré la faculté. C'est à partir de ma L3/M1, lorsque j'ai découvert la recherche opérationnelle, les graphes et les problèmes d'optimisation, que le déclic a eu lieu. Comme une évidence, j'ai décidé d'approfondir leur étude. Ce n'était initialement pas mon projet personnel, mais le hasard fait bien les choses. J'ai donc quitté Lyon pour Grenoble, afin d'intégrer un master en recherche opérationnelle et théorie des graphes. La thèse s'est ensuite imposée à moi. J'ai tellement adoré ces années de thèse que je ne voulais pas que ça s'arrête. J'ai poursuivi avec une année en ATER, toujours sur Grenoble. Je suis ensuite partie en tant que post-doctorante au Canada pendant un an, avec un chercheur que j'avais rencontré pendant mon doctorat. J'ai ensuite rencontré Paul Dorbec lors de mes candidatures McF de 2023, avec qui j'ai fait une deuxième année de post-doc à Caen. En quoi consiste votre travail de recherche ? Je fais de la théorie structurelle des graphes. Il y a de nombreux problèmes d'optimisation sur les graphes qui sont à NP-complet, autrement dit qui sont très difficiles. J’essaye de comprendre, sous quelles conditions ces problèmes deviennent Polynomiaux (« plus facile »). Ce qui m'intéresse, c'est de mettre des contraintes sur mes graphes et de chercher à quoi est-ce qu'ils vont ressembler. En d'autres termes, je me demande si je peux avoir une “recette de cuisine” qui construit tous les graphes de ma famille. Cela me permet de les comprendre en profondeur et de pouvoir dire : “Si je me restreins à cette famille, le problème devient facile parce que j'utilise des éléments de cette structure”. Je travaillais surtout sur des familles héréditaires, c'est-à-dire que si je retire un sommet, ce sont toujours des graphes de la même famille. Lors de mon post-doc au Canada, j'ai également travaillé sur les graphes hamiltoniens (des graphes qui contiennent des cycles qui passent par tous les sommets, une seule fois). Je voulais comprendre quelles sont les conditions et contraintes suffisantes pour dire avec assurance que tel graphe est hamiltonien ou non. Ma recherche reste très théorique, je programme très peu. J'aimerais d'ailleurs en faire un peu plus ; j'ai un projet avec un ami qui génère des graphes, il ne manque plus qu'à le publier. D’où vient votre passion pour ce domaine ? En quelque sorte, c'est venu avec le temps. La raison pour laquelle j'ai fait mon master à Grenoble est que j'avais suivi des cours d'introduction à la recherche opérationnelle et à la théorie des graphes. Je trouvais les deux très intéressants. J'étais fascinée par la recherche opérationnelle, mais il fallait programmer, et j'avais malheureusement fait très peu de programmation durant mon cursus. À cela s'ajoute le fait que de nombreux étudiants en master chercheraient un stage dans ce domaine. J'ai donc décidé de chercher un stage en théorie des graphes, domaine qui m'intéressait aussi beaucoup. Ça a été une belle rencontre, et plus j'avance dans ma recherche, plus j'apprécie mon domaine. Ce qui me passionne, c'est surtout l'idée de la recherche en elle-même, c'est l'idée de résoudre un problème qui me plaît le plus. Je suis toujours très intéressée en recherche opérationnelle, parce que ce sont des problèmes fascinants, tant sur le fait que ce soit inspiré de problèmes concrets que sur la diversité des contraintes et des outils. J'aimerais beaucoup faire quelque chose à cheval entre les deux. En fait, j'ai deux amours dans ma vie de chercheuse, les graphes et la recherche opérationnelle ! Qu’est-ce que vous espérez développer à l’IRIF ? J'ai commencé à discuter avec Reza Naserasr sur des graphes signés. D'autres chercheurs travaillent sur des thématiques similaires aux miennes, peut-être pourrons nous collaborer. Depuis longtemps, je trouve la notion de graphes temporels (qui est étudiée au laboratoire) très intéressante. J'ai la chance de m'initier grâce à Mikaël Rabie. J'espère également poursuivre ce que j’ai commencé et conclure des problèmes que j'ai abandonnés en me disant que j'aurai un jour le temps d'y revenir. De manière plus générale, j'aimerais m'ouvrir à de nouveaux sujets et à de nouveaux domaines. Ensuite, comme j'ai désormais un poste de permanente, je vais pouvoir me projeter tant dans ma recherche que dans mes enseignements. J’espère aussi pouvoir apporter ma pierre pour que le laboratoire reste un lieu de rencontre et de science où il fait bon vivre. Enfin, j'aimerais beaucoup encadrer un stagiaire ou même co-encadrer un doctorant. J'aime l'idée de transmission du savoir, associée à une collaboration qui permet d'évoluer et d'apprendre des autres. Quelles seraient les prochaines étapes de votre parcours professionnel ? Être titularisée (rires) ! Du côté recherche, comme je le disais, j'aimerais beaucoup avoir un stagiaire et/ou un doctorant, pour travailler sur la transmission. Côté enseignement, la prochaine étape serait de m'impliquer vraiment dans la conception d'un cours et d'un programme. A Grenoble, une chercheuse m'avait prise sous son aile et elle m'avait notamment aidée pour mes premières expériences d'enseignement. Avec son équipe, elle a monté toute une plateforme, Caseine, basée sur Moodle. Cette plateforme, spécialement créée pour l'enseignement informatique, intègre notamment des laboratoires de programmation virtuels. J'ai eu la chance de l'utiliser et je suis vraiment convaincue de son utilité. Je trouverais ça génial de l'importer à l'Université Paris Cité et l'intégrer dans un cours. Si certains sont partants, n'hésitez pas à venir m'en parler ! Vous avez participé à différentes actions de vulgarisation scientifique ; pourriez-vous nous en parler ? De manière générale, je suis une grande fan de la Fête de la Science, et de l'utilisation de jeux pédagogiques. C'est un intérêt qui m'a été transmis lors de mes études ; je trouve qu'il y a vraiment de belles choses qui se passent lors de ces événements, que ce soit avec des écoliers ou bien même des étudiants en master. J'avais joué au jeu de la chasse à la Bête (jeu issu de Maths à Modeler) avec ces derniers (dans une version aménagée), et en jouant, ils m'ont dit qu'ils avaient enfin compris ce dont on leur parle depuis plusieurs années ! Dans un autre registre, j'ai animé l'année dernière un atelier sur les candidatures post-thèse lors d'une journée organisée par le laboratoire de Grenoble : qu'est-ce qu'on fait avec une thèse, qu'est-ce que la qualification, quel est le calendrier pour candidater, etc. Ça s'adressait notamment aux étudiants étrangers qui n'ont pas nécessairement facilement accès à ce genre d'informations. Étant assez sociable, je pense que le travail en laboratoire fonctionne parce que les gens se parlent, se croisent et échangent des informations pendant les moments informels. C'est important pour la vie en laboratoire et je suis toujours partante pour accompagner ces initiatives et y participer. Avez-vous une anecdote professionnelle (ou personnelle) à partager ? J'en ai deux ! La première, pour m'excuser d'avance de peut-être mettre un peu de temps avant de retenir les prénoms des membres du labo : à Caen, j'ai cru pendant 4 mois qu'un chercheur s'appelait Bruno alors que son prénom est en réalité Jean-Luc. Je m'en suis rendue-compte au détour d'un couloir et d'une discussion avec un doctorant, qui étonné, m'a permis d'enfin réaliser mon erreur. La deuxième, pour expliquer pourquoi je ne dirai jamais d'un problème de recherche : “ça ne devrait pas être trop difficile”. Lorsque j'étais doctorante, des chercheurs nous avaient donnés avec deux autres thésards un problème à résoudre lors d'une conférence. Ce problème, qui leur semblait à priori facile et approprié pour un rapide travaille de collaboration entre des étudiants exclusivement, a finalement pris deux ans, 6 chercheurs dont les 3 doctorants et représente un article de près de 60 pages ! As-tu une ou des passion(s) ? Tout d'abord, je suis toujours partante pour partager des événements sociaux. Que ce soit boire un verre après le travail, aller au restaurant ou bien faire une sortie culturelle, je prends mon sac et j'arrive (sauf si j'ai cours bien sûr) ! Je fais beaucoup de musique. J'ai commencé quand j’avais 5 ans, notamment avec le chant. Une fois adolescente, je suis passée à de l'instrumentation. J'ai toujours fait au moins un orchestre, voire plusieurs selon les périodes, y compris en thèse. Je compte bien trouver un orchestre à rejoindre cette année. C'est vraiment le fil conducteur dans mon cursus, qui avait d'ailleurs guidé mon choix initial d'études supérieures, puisque je voulais vraiment dédier du temps à ma pratique musicale. Dans les orchestres, je joue de la percussion même si, à l’origine je faisais de la flûte. J'aime bien taper et faire du bruit ! J’aime les gros ensembles, je préfère jouer du classique, du métal-symphonique et surtout de la musique de film. La musique actuelle, c'est souvent de trop petits ensembles ; l'idéal, pour moi, ce sont les grands orchestres de 80 musiciens. J’écoute cependant beaucoup de choses différentes, ce que je joue ne reflète pas tout à fait ce que j'écoute. Notamment, je ne supporte pas d'écouter de la flûte, ça m'ennuie beaucoup ! J'aime beaucoup les musiques de films et les morceaux avec de grosses instrumentations. Sinon, côté sport, je fais de la course à pied, je suis d'ailleurs intéressée si d'autres membres de l'IRIF souhaitent courir avec moi ! Depuis deux ans, je participe à un trail de 12km avec 600 mètres de dénivelé, qui est organisé en montagne, au-dessus de Grenoble. Il y a quatre ans, j'ai également participé à un semi-marathon, ce dont je suis très fière ! J'aimerais me réentrainer pour faire un trail un peu plus long ou réitérer l'expérience du semi-marathon. Et bien sûr, comme toute bonne Grenobloise qui se respecte, j'adore skier. Biographie express Septembre 2024 : Arrivée à l'IRIF en tant que maîtresse de conférences. 2023-2024 : Post-Doc avec Paul Dorbec et Adeline Roux-Langlois au Laboratoire Greyc, Caen 2022-2023 : Post-Doc avec Chính T. Hoàng et Kathie Cameron à Wilfried Laurier University, Waterloo, ON, Canada 2021-2022 : ATER à l'Université de Grenoble Alpes 2018-2022 : Thèse sur les “Classes héréditaires de graphes : de la structure vers la coloration” avec Myriam Preissmann et Nicolas Trotignon