Gaëtan Douéneau-Tabot est lauréat 2022 de deux Best Student Paper Awards remis par les deux principales conférences organisées par l’EATCS : ICALP et MFCS. En juillet 2022, il a reçu le prix du Best Student Paper pour la track B de la conférence ICALP (International Colloquiuim on Automata, Languages and Programming) pour l’article Hiding pebbles when the output alphabet is unary. En août 2022, il a reçu un second prix à la conférence MFCS (Mathematical Foundations of Computer Science) pour l’article Continuous rational functions are deterministic regular, co-écrit avec Olivier Carton (IRIF).

Ci-contre : Gaëtan Douéneau-Tabot (deuxième à droite) à la remise de prix du MFCS Best Student Paper Award.




Peux-tu te présenter succinctement ?

Je suis Gaëtan Douéneau-Tabot, doctorant en 3ème année à l’IRIF dans l’équipe Automates et applications. Ma thèse est dirigée par Olivier Carton, professeur à l’Université Paris Cité et membre de l’IRIF, et co-encadrée par Emmanuel Filiot de l’Université Libre de Bruxelles. Mon quotidien de doctorant est un peu particulier puisque je travaille sur ma thèse uniquement deux jours par semaine. Le reste du temps, je le passe à la Direction générale de l’armement (DGA) où je contribue au suivi des programmes d’armement du Ministère des Armées, qui sont spécifiés par la DGA et commandés à l’industrie de défense. Je travaille en particulier sur la cybersécurité des satellites militaires. Ce double-emploi me permet d’exercer deux activités très différentes : d’un côté je me penche sur des questions théoriques au sein du monde de la recherche en informatique et de l’autre, je suis au contact de l’industrie de défense et des forces armées.

Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la recherche ?

Les questions scientifiques m’ont toujours intéressé. Après deux années de classe préparatoire, j’ai choisi d’intégrer en 2015 l’ENS Paris-Saclay où j’ai réalisé un double cursus en mathématiques et en informatique. C’est dans ce contexte que j’ai découvert l’informatique fondamentale et plus particulièrement la théorie des automates.

Peux-tu nous en dire plus sur ta thèse ?

Dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse donc à la théorie des automates et plus spécifiquement à des modèles de calcul appelés « transducteurs finis ». Ces modèles peuvent être vus comme des programmes « simples », c’est-à-dire qu’ils ne disposent que d’une mémoire bornée pour effectuer leurs calculs. En pratique, ces modèles peuvent être utilisés pour le traitement de textes ou de flux de données (« streaming »). Pour traiter un texte très long, il est en effet souhaitable que la mémoire consommée par un programme ne dépende pas de la quantité de texte qui a déjà été lue, et donc qu’elle soit bornée. Les questions que je me pose concernent l’optimisation de ces programmes simples. Il s’agit, étant donné un programme, de générer automatiquement un programme de même comportement, et qui est « plus simple », c’est-à-dire plus rapide, ou qui consomme moins de mémoire. D’un point de vue théorique, cette question se traduit sous la forme d’un problème d’appartenance (membership) à une sous-classe : étant donné un transducteur appartenant à une certaine classe de machines, peut-on trouver un transducteur de même comportement parmi une classe de machines « plus simples » ?

En 2022 tu as reçu deux prix étudiants. Peux-tu nous expliquer sur quoi portaient les articles récompensés ?

Dans l’article intitulé Hiding pebbles when the output alphabet is unary et présenté à la conférence ICALP 2022, je m’intéresse à des programmes qui prennent en entrée une chaîne de caractère finie et produisent un nombre en sortie. Ces programmes, appelés « transducteurs à jetons (pebbles) » s’exécutent sous la forme d’une pile d’appels récursifs de hauteur bornée. Etant donnée un tel transducteur, je montre qu’il est possible :

  • de décider s’il existe un transducteur qui produit les mêmes résultats, mais qui ne passe pas d’arguments à ses appels récursifs (en dehors de la chaîne de départ). Ce modèle « plus simple » est appelé « transducteur à jetons aveugles (blind pebbles) » ;
  • et s’il existe, de générer automatiquement ce transducteur « plus simple ».

Le second article, intitulé Continuous rational functions are deterministic regular et présenté à la conférence MFCS 2022, s’intéresse à des programmes qui prennent en entrée une chaîne infinie de caractères et produisent en sortie une chaîne infinie qui modélisent des données arrivant en flux. Dans ce cadre, il est montré comment :

  • décider si certains traitements complexes peuvent être réalisés « sans mémoire » ;
  • et le cas échéant, comment construire un transducteur qui les implémente.

Qu’envisages-tu pour la suite ?

Le doctorat est une excellente formation, non seulement pour les compétences scientifiques et techniques que j’ai pu acquérir, mais aussi en matière de gestion de projet, d’autonomie ou d’esprit d’initiative. Il est donc très utile en dehors du monde académique ! A l’issue de ma thèse, je vais rejoindre l’administration publique à plein temps. Je suis persuadé que mon doctorat en sciences offre une bonne légitimité pour travailler sur les thématiques liées à l'innovation, enjeu fondamental au Ministère des Armées et à la DGA. Fait peu connu, les docteurs employés au sein de la DGA sont d’ailleurs très nombreux (plusieurs centaines) ! A ce sujet, j’ai co-piloté la rédaction d’un rapport faisant un état des lieux du recrutement et de l’emploi des docteurs dans les administrations publiques (hors recherche et enseignement). Ce document est disponible ici : https://docteurs-administrations.fr/media/productions/IDeA_docteurs-administrations.pdf.