Rencontre avec Lélia Blin, professeur des universités Petite, Lélia n’avait pas particulièrement pensé faire carrière dans la recherche. Mais voilà, un peu comme certains tombent dans la potion magique, Lélia a rencontré l’informatique puis l’algorithmique distribuée pendant ses études supérieures qui l’ont amenée au métier de chercheuse. Grâce à sa ténacité et à ses mains en or, rien n'arrête Lélia, pas même du béton armé ! Rencontre avec Lélia Blin, professeure des universités à l'IRIF. “Mon domaine de recherche se concentre sur l’algorithmique distribuée tolérante aux pannes, qui s’applique à divers réseaux de communication : internet, robots, biologie. Dans ce domaine, des entités de calcul doivent discuter entre elles pour servir un objectif commun. Avec internet par exemple, il y a beaucoup de machines et par conséquent il y a forcément des pannes. L’objectif est donc de créer des algorithmes qui détectent seuls les pannes algorithmiques et les corrigent eux-mêmes.” Lélia Blin, professeure des universités | Pôle Algorithmes et structures discrètes - Équipe Calcul distribué. Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? Mon parcours est plutôt atypique. J’ai découvert l’informatique et pris goût aux sciences en classe de 3e. Après un BAC E (mathématique et technique, j'ai donc très tôt connu un monde ultra masculin puisqu’il y avait 27 garçons pour une seule fille), j’ai poursuivis mes études à l’université où j’ai obtenu un DEA d’algorithmique (ancêtre du MPRI). En parallèle de mes études, j’ai travaillé en tant que surveillante dans un lycée professionnel esthétique et coiffure. J’ai ensuite obtenu un contrat du ministère pour le financement de ma thèse à l'université Paris VIII (et en même temps, je deviens mère d’un petit garçon, un vrai challenge !). En quoi consiste votre travail ? En tant que professeur des universités, je dédie 192 heures équivalent TD à l’enseignement. En licence, je donne 3 cours de programmation et en master, 2 cours d’algorithmique distribuée. Pour une partie de mon activité, je donne des cours de programmation à des étudiants en licence et des cours d’algorithmique distribuée à des étudiants de M2. Je consacre le reste de mon temps à la recherche. Justement, quels sont les concepts clés abordés dans le cadre de votre recherche ? Mon domaine de recherche se concentre sur l’algorithmique distribuée tolérante aux pannes, qui s’applique à divers réseaux de communication : internet, robots, biologie. Dans ce domaine, des entités de calcul doivent discuter entre elles pour servir un objectif commun. Avec internet par exemple, il y a beaucoup de machines et par conséquent il y a forcément des pannes. L’objectif est donc de créer des algorithmes qui détectent seuls les pannes algorithmiques et les corrigent eux-mêmes. Prenons l’exemple d’un champ à déminer : la première option est d'utiliser un seul gros robot (dont le coût est très important) qui va parcourir le champ et risquer d’exploser lorsqu’il rencontrera une mine. Dans ce cas, vous perdez la totalité du gros robot avec toute sa technologie. La deuxième option est de mettre au point un réseau (comme un maillage) de petits robots qui sont connectés entre eux. Si l’un d’entre eux rencontre une mine et explose, la perte est bien moindre et le reste de la colonie peut continuer à explorer le terrain. Il y a donc des applications très diverses en robotique mais on peut aussi en trouver en biologie pour faire de la modélisation. Il y a quelques années, un chercheur de l’IRIF avait travaillé avec un laboratoire de biologie pour modéliser la mémoire des fourmis, pour comprendre combien de mémoire elles ont et de quelle quantité de mémoire elles ont besoin. D’où vient votre passion pour ce domaine ? C’est venu avec le temps. J'ai commencé par découvrir l’informatique au collège, cela m’amusait. Puis l’algorithmique m’a beaucoup intéressée et j’ai trouvé cela passionnant. Je me suis prise au jeu, je résolvais les exercices comme une suite de casse-tête ou de challenges. Par ailleurs, j’aime beaucoup programmer. J’ai notamment développé le logiciel myGDR pour le CNRS. Il recense les membres d’un GDR et renseigne leurs groupes de travail (GT) afin de fournir à la communauté d’un GDR une cartographie précise de ses membres et de leurs rôles dans le GDR ainsi qu’un ensemble de statistiques. Il devrait bientôt avoir un ingénieur dédié. J’ai développé le logiciel MyGDR lorsque je travaillais au LIP6 avec le responsable des ingénieurs Francis Hulin-Hubard qui était en charge de la mise en production. La programmation est d’ailleurs ce qui m’a motivé à choisir l’informatique comme domaine d’étude, grâce auquel j’ai découvert l’algorithmique. En fait, jusqu’à ce que je rencontre l’algorithmique, l’informatique se réduisait pour moi à la programmation, qui m’intéressait, mais qui n’amène pas à faire de la recherche. Qu’est-ce que vous espérez développer à l’IRIF ? A l’IRIF, le cadre de travail m'est très favorable. En effet, je mène ma recherche dans une branche très spécifique de l’algorithmique distribuée. Et au laboratoire, toutes les branches de l’algorithmique distribuée sont présentes. Il y a des membres très forts dans ce domaine avec qui je pourrai potentiellement collaborer et auprès de qui je pourrai trouver des ressources. Ajouté à cela, je souhaite également intégrer dans mon domaine davantage de calcul de bornes en mémoire ou en temps. On ne peut pas toujours résoudre certains problèmes en temps raisonnable même si on augmente la puissance des ordinateurs. On calcule toujours l’efficacité d’un algorithme par rapport à l’espace mémoire et au temps qu’il va mettre pour résoudre les problèmes indépendamment des machines. En algorithmique distribuée, il nous manque justement un travail théorique sur ces bornes et c'est ce sur quoi je veux travailler. Calculer une borne veut dire que je ne peux pas aller plus vite qu'elle. Je ne connais peut-être pas l’algorithme qui va aller à cette borne, mais je sais que je ne pourrai pas faire mieux. Par exemple, j’ai fait un calcul théorique qui dit que pour traverser la pièce, je ne peux pas le faire plus vite qu’en 5 secondes. Quelles seraient les prochaines étapes de votre aventure professionnelle ? J’ai été directrice adjointe de l’école doctorale EDITE quand je travaillais au LIPSIS. J'ai beaucoup aimé aider et accompagner les doctorants concrètement donc j’aimerai pouvoir m’impliquer de nouveau dans des missions collectives. La recherche pour moi ce n’est pas quelque chose de solitaire, j’ai aimé réaliser cette mission car j’étais en contact avec les jeunes chercheurs. Avez-vous une anecdote professionnelle (ou personnelle) à partager ? J'en ai une qui représente pour moi le maximum de misogynie que j’ai pu vivre : pendant ma délégation CNRS, je partageais mon bureau avec un collègue qui avait donné la clé à un de ses collègues sans prévenir que je partageais ce bureau avec lui. Lorsqu’il est rentré, alors que je me trouvais là, il m’a demandé « Vous êtes la femme de qui ? ». Quel est votre passe-temps préféré ? Je suis quelqu'un de très manuel, je ressens le besoin d'utiliser mes mains, ce qui fait du bricolage mon passe temps préféré. Ma dernière création est d'ailleurs une table basse en béton ciré. J’ai fait moi-même le moule, le maillage avec du béton armé et le fer, pour l'armage, que j’ai ensuite coulé dans le moule en bois mélaminé. Avez-vous une ou plusieurs oeuvres à nous recommander ? J'ai adoré le roman «Les yeux dans les arbres» de Barbara Kindseler. Il raconte l'histoire de cinq femmes qui sont emmenées en Afrique par l’homme de la famille. C'est vraiment magnifique car même à travers ce livre, on voit combien, malgré que l'on vive les mêmes choses, on ne les vit pas de la même façon. C'est un livre très humain qui permet de comprendre la diversité des êtres humains et qui aide à les comprendre. Dans la société, on oublie beaucoup que l'on est est très divers. La beauté de ce livre réside dans sa façon d'essayer de comprendre les autres et leurs diversités. De plus, j'ai été très surprise par le film "Pride" de Matthew Warchus. C'est un film anglais qui se déroule pendant la période Tatcher lorsque les mineurs sont en grève. Des homosexuels s'engagent alors côte à côte dans leur combat. J'ai trouvé très intéressant de voir que quand tu subis des injustices sociétales tu peux te retrouver entre classes opprimées, alors que tout semble vous éloigner. Biographie express 2023 : Professeur des universités à l’IRIF 2008 : Maîtresse de conférences au LIP6 (délégation) 2003 : Maîtresse de conférences à l’Université d’Evry