Rencontre avec Mirna Džamonja, lauréate d’une bourse individuelle Marie CURIE Intellectuelle engagée et internationale, elle visite pour la première fois la France à l’âge de 17 ans. Depuis, elle rêvait de revenir s’y installer et d’y faire sa carrière. Rencontre avec Mirna DŽAMONJA, lauréate d’une bourse individuelle Marie CURIE obtenue dans le cadre du programme H2020. Mirna DŽAMONJA rejoint l’IRIF pour une durée de 2 ans à titre de personnel CNRS. « Je me réjouis de l'arrivée de Mirna à titre personnel et pour l'IRIF : c'est une chance pour nous d'accueillir une chercheuse de son envergure. Son projet Marie Curie ouvre des perspectives de riches collaborations interdisciplinaires à l'intersection de l'informatique fondamentale et de la logique mathématique, autour de questions essentielles pour les deux disciplines. » Sylvain SCHMITZ, Professeur d’informatique à l’IRIF | Pôle Automates, systèmes et vérification – Équipes : Automates et applications ; Modélisation et vérification. Sylvain SCHMITZ sera l’hôte à l’IRIF de Mirna DŽAMONJA. Pouvez-vous vous présenter succinctement ? Je suis née en ex-Yougoslavie, dans la ville de Sarajevo où j’ai aussi fait mes études (Université de Sarajevo). J’ai suivi un cursus dans un lycée spécialisé en informatique et en mathématiques. Dès l’âge de 12 ans, je participais à mes premières compétitions internationales en mathématiques. Puis j’ai effectué mon Master et mon Doctorat à l’Université du Wisconsin-Madison, aux États-Unis. Mes opportunités de carrière m’ont amenée en Israël, à l’Université Hébraïque de Jérusalem (2 ans), de retour à l’Université du Wisconsin-Madison, aux États-Unis (3 ans) et à l'Université d'East Anglia en Angleterre (22 ans) où j’ai été professeure titulaire et la 7e femme dans la totalité du Royaume-Uni à être nommée professeure en mathématiques pures. C’est une grande fierté pour moi ! Puis le Brexit a changé ma vision de l’Europe. J’ai donc décidé de quitter mon poste de titulaire en Angleterre et de m’installer en France où j’ai été associée à l’IHPST à l’Université Panthéon-Sorbonne (et chercheuse dans l’Institut de Mathématiques de l’Académie des Sciences à Prague, République Tchèque). Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de votre parcours ? La plus grande difficulté, je dirais, est de venir d’un pays qui est entré dans une guerre civile. Cela m’a beaucoup affectée, même si je ne vivais pas sur place. En termes plus pratiques, cela a rendu mes voyages plus difficiles à cause de mon passeport et à cause des visas qu’il fallait obtenir. En 1995, j’ai obtenu le passeport belge, ce qui a facilité mes déplacements. En quoi consiste votre travail de recherche ? Je travaille sur la logique mathématique et ses connexions avec l’informatique et avec la combinatoire, aussi bien qu’avec la philosophie des fondements logiques de mathématiques. Ce qui m’intéresse, c’est de faire le pont entre les mathématiques et l’informatique et, dans une certaine dimension, la philosophie. Je veux comprendre comment réfléchit un ordinateur par rapport à un mathématicien ! Mon intérêt envers ma discipline est arrivé très tôt. Ma mère enseignait les mathématiques, j’étais donc entourée de livres de mathématiques et je m’amusais à résoudre les exercices qu’ils contenaient. Qu’est-ce que le programme H2020 et pourquoi y avoir déposé votre candidature ? Le programme Horizon a lieu tous les 5 ans, je suis financée par sa version 2020 (H2020). Le programme Marie-CURIE Réintégration, dont j’ai bénéficié plus spécifiquement, apporte un soutien individuel aux chercheurs qui ont un poste en dehors de l’Union Européenne et veulent intégrer le monde de la recherche dans l’UE. Cette démarche correspond exactement à ce que je souhaite faire, c’est-à-dire concentrer le reste de ma vie à la recherche en occupant un poste de chercheur dans l’UE. J’avais déjà entamé des connexions avec l’IRIF, où j’avais notamment assisté à des séminaires, et j’avais eu l’occasion de travailler avec Sylvain SCHMITZ sur des problématiques qui nous intéressent tous les deux. Nous avons alors écrit un premier article ensemble, en collaboration avec Philippe SCHNOEBELEN de l’ENS Paris-Saclay. L’article portait sur la notion de beau pré-ordre, qui est étudiée par les informaticiens aussi bien que par les logiciens en mathématiques. Sylvain est mon hôte à l’IRIF. Qu’est-ce que vous espérez développer à l’IRIF dans le cadre de ce projet ? Je vais me concentrer sur deux problèmes différents mais connectés. Dans un premier temps, la résolution d’une conjecture datant de 1975 (c’est mon rêve de la résoudre !). Deuxièmement, sur le développement de nouvelles logiques pour comprendre le transfert des propriétés logiques dans le contexte des limites combinatorielles. Ce sera mon travail pour les deux prochaines années. Plus largement, j’ai aussi comme projet de m’intégrer dans la vie scientifique française et d’y apporter ma contribution grâce à mon parcours. Quelles seraient vos prochaines étapes ? Pendant ces deux ans, j’aimerais tenter un concours du CNRS afin de pouvoir y rester de façon permanente et peut-être, qui sait, avoir d’autres projets avec l’IRIF ! Je compte sur le soutien de l’UE pour voir d’autres projets éclore. Avez-vous une anecdote professionnelle à partager ? À la sortie de mon doctorat, j’ai intégré l’Université Hébraïque de Jérusalem. Là-bas, je me suis sentie perdue et confuse, petite parmi toutes ces grandes personnes. Puis j’ai rencontré le professeur Saharon SHELAH, l’un des plus célèbres mathématiciens du monde. Il a tout de suite su me mettre à l’aise grâce à sa facilité de communication et il m’a partagée sa vision modeste du monde selon laquelle il n’y a pas de « grands » ou de « petits ». Malgré son statut prestigieux, il valorise la contribution de tous. Un livre à recommander ? Les cigognes sont immortelles de Alain MABANCKOU où il explique dans sa voix d’enfant la guerre civile dans son pays : le Congo-Brazzaville. C’est un livre qui m’a beaucoup touchée car il explique les racines de la dictature où ce pays se trouve en ce moment et depuis cette guerre. Une musique que vous souhaiteriez partager ? Encore sur l’idée de métissage : la chanson Englishman/African in New York interprétée par STING et SHIRAZEE. Une oeuvre d'art ? La Joconde de Léonard DE VINCI à cause de tous les mystères qu’elle renferme et de son intemporalité. J’ai eu l’occasion de revoir l’œuvre de près cet été, il y avait si peu de monde dans le musée. Un film ? No Man’s Land (2001) un film belgo-bosniaque réalisé par Danis TANOVIC. Il explique la situation politique de la Bosnie, notre pays natal. Ce film a une manière très poignante de rappeler l’insécurité de la situation présente en Bosnie.