Robin Vacus, ancien doctorant à l'Irif : quand les systèmes complexes tentent de résoudre des problèmes de biologie “Nous construisons et étudions des modèles mathématiques simples, qui cherchent à représenter des scénarios biologiques tels que la recherche de nourriture ou la prise de décision en groupe. Cette approche est ancienne et largement répandue, mais nous nous distinguons de la plupart des autres travaux par notre regard algorithmique.” Robin Vacus, ancien doctorant. Lien de sa thèse : Perspectives algorithmiques des phénomènes naturels collectifs (non published yet) Peux-tu te présenter succinctement ? Je m'appelle Robin Vacus. Après être passé par une classe préparatoire scientifique (MPSI-MP) à Bordeaux, ville près de laquelle j'ai grandi, j'ai intégré l'ENS de Lyon en 2016, dans le département d'informatique. Aujourd'hui, je viens de finir ma thèse, commencée en 2020 à l'IRIF sous la direction d'Amos Korman et Pierre Fraigniaud. Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la recherche et à te tourner plus spécifiquement vers les phénomènes collectifs naturels ? C'est en prépa que j'ai vraiment commencé à aimer les mathématiques, qui me semblait un peu intimidantes au lycée, et plus particulièrement l'informatique théorique, dont j'ignorais tout simplement l'existence. C'est aussi à ce moment que certains de mes professeurs m'ont encouragé à tenter d'entrer à l'ENS, qui prépare spécialement ses étudiants à la recherche. Lors d'un séminaire en 2015, Gérard Berry (professeur au collège de France) est venu expliquer le potentiel de l'informatique fondamentale pour comprendre les systèmes complexes, dont les groupes d'animaux. Par la suite, fortement marqué par sa présentation, j'ai cherché des stages de recherche en lien avec la biologie. C'est ainsi que j'ai rencontré Amos. Peux-tu nous décrire le cœur de ta thèse en quelques phrases ? Nous construisons et étudions des modèles mathématiques simples, qui cherchent à représenter des scénarios biologiques tels que la recherche de nourriture ou la prise de décision en groupe. Cette approche est ancienne et largement répandue, mais nous nous distinguons de la plupart des autres travaux par notre regard algorithmique. Par exemple, nous utilisons la théorie des jeux et le calcul distribué (deux sous-disciplines de l'informatique fondamentale), plutôt que les équations différentielles ou les systèmes dynamiques, traditionnellement étudiés par les biologistes et les physiciens. La théorie des jeux tentent de formaliser et prédire le comportement d'individus en compétition les uns avec les autres, tandis que le calcul distribué s'intéresse aux algorithmes opérés par un groupes d'“agents” autonomes n'ayant qu'une vision partielle du système. Tu étudies plus spécifiquement les environnements stochastiques à travers des scénarios biologiques. Peux-tu nous expliquer ce que c’est et en quoi c’est important ? Sont dits “stochastiques” les environnements qui évoluent aléatoirement au cours du temps. Ils décrivent bien les systèmes naturels, qui sont souvent chaotiques et peu structurés. Ainsi, dans nos modèles, les agents interagissent entre eux au hasard, et les informations qu'ils reçoivent sont partielles et perturbées par des “bruits” aléatoires. Dans ce contexte, nous cherchons à savoir si il existe des algorithmes fiables et efficaces pour réaliser certaines tâches, comme parvenir à un consensus ou propager une information. Ces tâches sont omniprésentes dans la nature, par exemple lorsque des animaux doivent choisir ensemble une direction pour se déplacer. Au-delà des motivations biologiques, il s'agit de questions fondamentales en calcul distribué. A quelle(s) utilisation(s) concrète(s) ta thèse pourrait-elle s’appliquer ? Les objectifs de mes recherches, et donc ses possibles applications, sont principalement théoriques. Il s'agit de contribuer (évidemment à une toute petite échelle) à développer une nouvelle façon de comprendre la nature. Plus généralement, les techniques d'analyses d'algorithmes distribués peuvent servir à étudier d'autres modèles, qui n'ont pas nécessairement de rapport avec la biologie. Ainsi, plusieurs technologies, comme internet ou encore les robots connectés, sont des systèmes distribués. Quels sont tes projets désormais ? J'ai signé un contrat post-doctoral à l'université Bocconi de Milan, sous la supervision de Luca Trevisan. Je compte résoudre des problèmes liés à mon sujet de thèse, comme par exemple, étudier des algorithmes distribués simples sur des graphes aléatoires. Plus tard, j'aimerais devenir chercheur ou enseignant-chercheur.