“Je suis chercheuse en combinatoire. Mon travail consiste à trouver les connexions entre combinatoire, algèbre et physique. Et il se trouve qu’il y a de nombreuses connexions !” Rencontre avec Lauren K. Williams, en visite à l'IRIF pour une année. | Pôle Algorithmes et structures discrètes - Équipe Combinatoire.

Parlez-nous de votre parcours. Avez-vous rencontré des difficultés ?

De 2001 à 2005, j’étais doctorante au MIT sous la direction de Richard Stanley. Ma thèse s’intitule “Combinatorial Aspects of Total Positivity”. J’ai poursuivi avec un postdoc à UC Berkeley puis un second à Harvard. J’ai été recrutée en 2009 en tant que professeure à UC Berkeley. J’ai occupé ce poste jusqu’en 2018, année où j’ai été recrutée toujours en tant que professeure cette fois à Harvard, poste que j’occupe encore aujourd’hui. Maintenant, je profite de mon congé sabbatique pour effectuer une visite d’un an à l’IRIF et collaborer avec Sylvie Corteel et d’autres.
Quand j’étais doctorante, j’ai commencé à travailler sur un problème très intéressant et après deux mois j’ai réussi à trouver une belle conjecture. Au début, j’ai cru que je parviendrais à trouver une preuve après un mois ou deux de recherche. Mais j’ai vite réalisé que c’était très difficile ! J’ai travaillé tous les jours sans relâche. Psychologiquement, c’était compliqué et frustrant. Et après neuf mois, j’ai commencé à trouver un début de solution pour finalement prouver la conjecture. C’était laborieux. Avec le recul, je me rends compte que lorsque l’on débute dans le milieu de la recherche, on se retrouve toujours confronté à ses situations difficiles. Maintenant j’écris beaucoup d’articles, je sais qu’il y a des obstacles, mais j’ai confiance.

En quoi consiste votre travail de recherche ?

Je suis chercheuse en combinatoire. Mon travail consiste à trouver les connexions entre combinatoire, algèbre et physique. Et il se trouve qu’il y a de nombreuses connexions ! Par exemple, avec Yuji Kodama, nous avons trouvé les connexions entre la combinatoire et les systèmes intégrables, en particulier le système Kadomtsev-Petviashvili (K-P) qui décrit le mouvement des vagues en eau peu profonde. Il s’agissait ici d’étudier comment les vagues se forment et interagissent. Des chercheurs de certains laboratoires utilisent des waves tanks pour créer des vagues qui sont générées par les équations sur lesquelles j’ai travaillé. Avec Sylvie Corteel, nous avons écrit beaucoup de papiers sur la connexion entre combinatoire et physique statistique. En particulier, nous avons mis en évidence un modèle qui s’appelle “Asymetric simple exclusion process”.

Quels sont les concepts-clés auxquels vous vous intéressez ?

J’ai trouvé les connexions entre un objet géométrique qui s’appelle la grassmanienne positive et les modèles en physique. Si on a un point dans la grassmanienne positive, on peut construire une solution de l’équation K-P et on peut utiliser la géométrie de la grassmanienne positive pour décrire les propriétés de la solution.

D’où vous vient cet intérêt pour l’informatique théorique ?

Je ne me sens pas particulièrement proche de l’informatique théorique. Je suis une mathématicienne. Ce qui me plaît dans cette discipline, c’est la joie de la découverte. C’est satisfaisant de trouver une structure très riche et inattendue.

Qu’est-ce que vous espérez développer à l’IRIF ?

Je voudrais apprendre plus de structures de polynômes orthogonaux, d’asymetric simple exclusion process et des connexions avec les vertex models. Trois de mes doctorants viendront également à l’IRIF pendant mon année de visite.

Quelles seraient les prochaines étapes de votre aventure professionnelle ?

Je suis actuellement en année sabbatique et je reprends l’enseignement l’année prochaine. J’enseigne un cours très spécifique pour les nouveaux étudiants, c’est un cours d’introduction sur la manière dont les travaux de recherche se déroulent Ce cours donne une explication historique sur la façon dont une conjecture a été trouvée. Enseigner est très important pour moi, je voudrais être un bon mentor pour mes étudiants.

Avez-vous une anecdote professionnelle à partager ?

Souvent, les gens croient que c’est très difficile d’être une chercheuse et un parent en même temps. Et je suis plutôt d’accord, c’est assez difficile de balancer les deux. Mais j’ai une anecdote qui prouve que parfois les deux rôles vont très bien ensemble. Quand ma fille était enfant, elle dormait difficilement donc chaque nuit je devais la bercer pendant une heure pour l’aider à s’endormir. Une nuit, alors que je la berçais, j’ai eu une idée de question qui pourrait être utile dans la recherche sur laquelle j’étais en train de réfléchir. C’était une question très intéressante et c’est devenu mon prochain projet de recherche. Donc finalement ce moment de berceuse m’offrait de bonnes conditions pour penser à autre chose.

Un livre à recommander ?

Il y a un livre très amusant : Mathematics made difficult, écrit par un cousin de mon père. C’est une satire plutôt divertissante pour les mathématiciens.

BIOGRAPHIE EXPRESS

2018 à aujourd’hui : Professeure à Harvard
2009 - 2018 : Professeure à UC Berkeley
2006 - 2009 : Postdoc à Harvard
2005 - 2006 : Postdoc à UC Berkeley
2001 - 2005 : Doctorante au MIT